- PRESSE - Droit de la presse
- PRESSE - Droit de la presseComme toute activité sociale, la presse périodique écrite est soumise à un certain nombre de règles qui constituent son droit. La nature particulière de cette activité et l’importance qui lui est accordée justifient que, pour une part, ce droit de la presse soit un droit spécifique. Il n’est d’ailleurs, à cet égard, qu’un élément d’un ensemble plus général qu’est le droit de l’information.Expression de choix politiques et sociaux fondamentaux, le droit de la presse est, en France, le moyen de concrétisation et de mise en œuvre du principe de liberté d’expression , formulé à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789: «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.»Dans le contexte politique, économique, social, culturel et technique de la fin du XXe siècle, ce principe de liberté ne peut sans doute plus être interprété et appliqué exactement de la même façon qu’il y a deux cents ans. À la référence au principe de liberté d’expression est désormais ajoutée celle qui peut être faite à la notion de droit à l’information par laquelle les préoccupations et intérêts du public sont davantage pris en considération.Ces principes trouvent aujourd’hui leur expression et mise en forme juridique dans les divers chapitres traditionnellement retenus et présentés comme constitutifs du droit de la presse en France: le statut des entreprises et interventions administratives; le régime de responsabilité, ou statut du contenu; le statut professionnel; le régime de propriété littéraire et artistique, ou droit d’auteur. À ce droit strictement national, susceptible d’être utilement éclairé par des références faites au droit comparé, devrait être ajoutée la dimension du droit international et d’un droit européen de l’information encore à l’état d’ébauche.Statut des entreprises et interventions administrativesLa liberté d’expression implique la libre création et constitution des entreprises de presse, ainsi que la liberté de publication.La loi du 29 juillet 1881 consacrait un tel principe de liberté. Elle pose que «l’imprimerie et la librairie sont libres» (art 1er) et que «tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement» (art. 5). Un certain nombre de formalités – déclarations, mentions et dépôts – doivent cependant, aux termes mêmes de cette loi, être respectées à l’occasion de la constitution d’une entreprise ou au moment de la publication d’un écrit.Des dispositions particulières ou les règles du droit commun – également applicables à la presse – permettent à l’autorité administrative, dans des conditions sans doute assez peu conformes au principe de liberté, d’exercer parfois un contrôle préalable et de restreindre, dès lors, la libre diffusion d’un écrit.Dans des conditions que certains pourraient considérer comme une atteinte au principe de liberté, et que d’autres analyseront comme une nécessité et garantie de la liberté, la création, l’organisation et le financement des entreprises de presse sont aujourd’hui soumis à des règles constitutives du statut des entreprises de presse.C’est par une ordonnance du 26 août 1944 que furent adoptés, en France, les premiers éléments d’un tel statut. Il s’agissait d’assurer la transparence et l’indépendance de la presse, tant à l’égard des pressions de l’argent, en limitant les tendances à la concentration, pour garantir le pluralisme, qu’à l’égard des influences étrangères. Ces principes et mécanismes étaient repris et renforcés, pour tenter d’en permettre une réelle application, par la loi du 23 octobre 1984. D’inspiration plus libérale, la loi du 1er août 1986, complétée par la loi du 27 novembre 1986, abrogeant les textes précédents, maintient, bien qu’elle en atténue la portée, les principes antérieurs.Pour garantir la transparence des entreprises de presse, la loi du 1er août 1986 interdit les opérations dites de «prête-nom». Elle pose que, «dans le cas de sociétés par actions, les actions doivent être nominatives». Elle impose que diverses informations sur l’organisation et le financement de l’entreprise soient portées à la connaissance des lecteurs. La loi du 1er août 1986 vise également à garantir l’indépendance des entreprises de presse française, tant à l’égard des capitaux étrangers que des puissances financières nationales, en limitant, afin d’assurer le pluralisme, toute tendance excessive à la concentration. La loi du 27 novembre 1986, qui a introduit ces dispositions, pose qu’aucun groupement ne peut posséder ou contrôler plus de 30 p. 100 de la diffusion des «publications quotidiennes imprimées d’information politique et générale». Le même texte détermine également des limites à la concentration multimédias (presse écrite et communication audiovisuelle).S’agissant encore du statut des entreprises de presse, la loi du 16 juillet 1949 détermine un certain nombre d’obligations particulières relatives aux entreprises éditrices de publications destinées à la jeunesse. L’ordonnance du 2 novembre 1945 portant réglementation des agences de presse, la loi du 10 janvier 1957 sur le statut de l’Agence France-Presse et la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux répondent également partiellement au même souci de garantie de la liberté de la presse.En contradiction, apparente au moins, avec le principe de liberté, la publication d’écrits périodiques est soumise à certaines formalités, et surtout susceptible d’interventions et contrôles administratifs préalables.Au titre des formalités préalables, outre les mentions obligatoires, imposées, dans un souci de transparence, tant par la loi du 29 juillet 1881 que par celle du 1er août 1986, il faut évoquer les déclarations et dépôts. L’article 7 de la loi du 29 juillet 1881 pose que, «avant la publication de tout journal ou écrit périodique, il sera fait une déclaration contenant» un certain nombre d’indications relatives à l’organisation de l’entreprise éditrice. L’article 10 impose, dans le cadre des obligations de dépôt dit administratif et judiciaire, qu’un certain nombre d’exemplaires soient remis gratuitement aux diverses autorités administratives et judiciaires. Les publications destinées à la jeunesse doivent, à cet égard, faire l’objet d’un dépôt supplémentaire. Sur toutes ces publications pèsent les obligations du dépôt légal définies par la loi du 21 juin 1943.De façon plus contraire au principe de liberté, la publication d’écrits peut être soumise à certaines formes de contrôles et d’interventions administratives préalables, tant en application de textes et pouvoirs généraux que de dispositions spécifiques à la presse. Les autorités de police administrative peuvent prononcer des mesures d’interdiction et de saisie de publications, en vue d’assurer le maintien ou le rétablissement de l’ordre public. Ces pouvoirs sont renforcés ou élargis en périodes de crise ou de circonstances exceptionnelles. Les publications dites d’«annonces légales et judiciaires» font l’objet, sinon d’un régime d’autorisation, tout au moins d’accréditation administrative. En application de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881, le ministre de l’Intérieur peut prononcer des mesures d’interdiction de publications étrangères ou de provenance étrangère. Enfin, l’article 14 de la loi du 16 juillet 1949 donne au ministre de l’Intérieur le pouvoir de prendre des mesures restrictives concernant la diffusion de «publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse».À l’inverse de toutes ces mesures de contrôle administratif, contraires au principe de liberté, l’autorité publique intervient également pour mieux garantir la liberté de la presse et prendre davantage en compte le droit du public à l’information. Elle accorde en effet, selon diverses modalités, d’ordre économique et fiscal, une aide financière aux entreprises éditrices de publications périodiques présentant un certain intérêt général, largement entendu.Ainsi soumises à certaines modalités de contrôle préalable, peu conformes au principe de liberté, les publications de presse font également l’objet, quant à leur contenu, d’un contrôle répressif, constitutif et caractéristique, au contraire, des systèmes libéraux d’information.Régime de responsabilitéLoin de constituer une atteinte ou une restriction à la liberté de la presse, la détermination d’un régime de responsabilité, ou statut du contenu, en est, au contraire, une condition ou une garantie. Il est bien nécessaire, pour protéger les autres libertés, que les abus de la liberté de la presse, portant préjudice à certains intérêts individuels ou collectifs, donnent lieu à répression et à réparation. La liberté de la presse continue d’être garantie lorsque ce contrôle est exercé, a posteriori, par l’autorité judiciaire.La loi du 29 juillet 1881, «loi sur la liberté de la presse», est un des textes essentiels, mais non exclusif, constitutifs du statut du contenu de la presse. Celui-ci découle en effet, également, de l’application, à la presse, de dispositions du droit commun définissant diverses autres infractions ou déterminant, par le régime général de responsabilité, l’obligation de réparer les dommages causés.Cette loi comporte, tout d’abord, un certain nombre de règles de procédure spécifique en matière de responsabilité, de délais de prescription, de mentions et formalités à respecter pour l’engagement des poursuites qui, selon une conception contestable de la liberté de la presse à préserver, constituent autant d’entraves à une répression normale des infractions commises. Parmi les infractions de presse visées, on peut citer le non-respect du droit de réponse et du droit de rectification, les diverses diffamations et injures, provocations et apologies, offenses et outrages...Le droit de réponse est la faculté accordée, par l’article 13 de la loi de 1881, à toute personne mise en cause dans une publication périodique écrite de faire, dans cette même publication, connaître son point de vue sur les éléments de cette mise en cause. La loi détermine ce que pourra être la dimension de la réponse. Elle fixe le délai pendant lequel une demande d’exercice du droit de réponse peut être présentée, ainsi que le délai et les modalités de l’insertion de la réponse. L’article 12 définit les conditions et modalités d’exercice du droit de rectification accordé à tout «dépositaire de l’autorité publique, au sujet des actes de sa fonction qui auront été inexactement rapportés par ledit journal ou écrit périodique». Les articles 29 et suivants sont relatifs aux infractions de diffamation et d’injure.La diffamation est définie comme «toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé». Une injure est constituée de «toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait». Dans des conditions qu’il n’est pas toujours facile de déternimer, c’est par la référence ou l’absence de référence à un fait que la diffamation et l’injure doivent être distinguées l’une de l’autre.Selon l’identité des personnes concernées, différents types de diffamation ou d’injure envers les particuliers, les cours, les tribunaux et les armées, les dépositaires ou agents de l’autorité publique, et d’infractions de caractère racial ou raciste sont définis par les textes qui prévoient, à leur égard, une répression plus ou moins sévère.Les articles 23 à 25 de la même loi sont consacrés à diverses infractions de provocation ou apologie de crimes ou délits; provocation «à la discrimination, à la haine ou à la violence» raciale; provocation de militaires à la désobéissance. Les articles 36 et 37 concernent les délits d’offense et d’outrage envers les chefs d’État et agents diplomatiques étrangers.Les articles 38 et suivants, aussi bien pour assurer une bonne administration de la justice que la protection des intérêts des justiciables, apportent un certain nombre de restrictions à la publication d’informations concernant des faits criminels ou délictueux ou des actions judiciaires en cours.En dehors de la loi de 1881, bien d’autres textes ou dispositions déterminent encore le statut du contenu ou régime de responsabilité civile et pénale de la presse. Il en est ainsi des articles 226 et 227 du Code pénal relatifs aux infractions d’atteinte à l’autorité et à l’indépendance de la justice (art. 434-25 et 434-16 du Code pénal de 1993); de l’article 9 du Code civil et des articles 368 à 372 du Code pénal concernant les atteintes à la vie privée (art. 226-1 à 226-7); des articles 283 et suivants relatifs aux outrages aux bonnes mœurs (art. 227-24); des dispositions constitutives de la réglementation de la publicité...Aussi nombreuses que puissent apparaître les dispositions qui, définissant diverses infractions, semblent ainsi restreindre la liberté de la presse, elles sont bien nécessaires quand ce sont des abus qu’il s’agit de réprimer. On notera, par ailleurs, que lorsque les règles de procédure ne font pas déjà obstacle à leur répression, les condamnations prononcées semblent rarement égaler le profit commercial tiré de l’augmentation de la diffusion liée au fait même de ces infractions!Statut professionnelLe statut professionnel des journalistes, bien qu’il ne soit pas, non plus, spécifique à la seule presse périodique écrite constitue un autre des chapitres essentiels du droit de la presse. La condition des journalistes est un des éléments caractéristiques du régime de la presse, et notamment de son degré de liberté.Un des premiers points de ce statut, qui mérite quelque attention, concerne la définition même du journaliste. Aux termes de l’article L. 761-2 du Code du travail, «le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques [...] et qui en tire le principal de ses ressources». On notera le caractère très large et libéral de cette définition. Elle ne soumet l’accès à la profession de journaliste à aucune condition ni aucun contrôle. Elle consiste essentiellement à constater une situation ou un état tels qu’ils seront attestés par la délivrance d’une carte d’identité professionnelle.Précurseur, sur bien des points, à l’époque de son adoption par la loi de mars 1935, en ce qui concerne les conditions et avantages matériels liés à l’exercice de l’activité professionnelle (durée du travail, congés, indemnités...), le statut des journalistes a, du fait de la généralisation de ces avantages et garanties à l’ensemble des salariés, perdu de sa spécificité.Le seule véritable particularité du statut des journalistes concerne aujourd’hui la «clause de conscience». Régie par l’article L. 761-7 du Code du travail, celle-ci peut être définie comme la faculté accordée à un journaliste salarié de prendre lui-même l’initiative de la rupture du contrat de travail qui le lie à son employeur, tout en ayant droit aux indemnités qui lui seraient dues en cas de licenciement, dans trois cas différents: «10 Cession du journal ou du périodique; 20 Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit; 30 Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour la personne employée, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux.» Il suffira de relever ici combien l’appréciation des deux conditions – distinctes – de «cession», s’agissant de sociétés par actions, et de «changement notable» peut s’avérer délicate!Parmi les éléments du statut des journalistes, non légalement reconnu et, pour cette raison, revendiqué par eux, figure le droit au secret professionnel. Les journalistes souhaiteraient ainsi se voir accorder le droit de n’avoir pas à témoigner auprès des autorités policières ou judiciaires, à révéler la source de leurs informations, ou à remettre certains reportages ou éléments de documentation en leur possession. Ils assurent qu’il s’agirait d’une garantie non seulement de leur liberté personnelle mais, plus généralement, de la liberté de la presse et du droit du public à l’information.Droit d’auteurLes règles du droit d’auteur définies par la loi du 11 mars 1957, modifiée et complétée par la loi du 3 juillet 1985, s’appliquent également à la presse dès lors qu’une publication périodique, dans son ensemble ou dans ses divers éléments constitutifs, apparaît comme une création de forme originale, expression d’une personnalité. La presse est elle-même évidemment soumise au respect de ce droit.Les articles et reportages, dessins, illustrations et photographies, les titres de publications... dès lors que, par leur originalité, ils portent la marque d’une certaine personnalité sont protégés par le droit d’auteur. L’article 36 de la loi de 1957 fait expressément référence aux «œuvres de l’esprit publiées dans les journaux et recueils périodiques de tout ordre». Il pose que, dans ce cas, «la rémunération de l’auteur [...] peut [...] être fixée forfaitairement». Il ajoute que, «pour toutes les œuvres publiées ainsi dans un journal ou recueil périodique, l’auteur conserve, sauf stipulation contraire, le droit de les faire reproduire et de les exploiter, sous quelque forme que ce soit, pourvu que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire concurrence à ce journal ou à ce recueil périodique». Il précise enfin que «l’auteur a seul le droit de réunir ses articles [...] en recueil et de les publier ou d’en autoriser la publication sous cette forme».L’article 41 définit un certain nombre d’exceptions au droit de reproduction qui, tout à la fois, bénéficient et s’imposent à la presse. Est ainsi permise «la diffusion, même intégrale, par la voie de la presse [...] à titre d’information d’actualité, des discours destinés au public». Le même article autorise les revues de presse, les analyses et courtes citations. Chaque titre en bénéficie mais peut également avoir à en souffrir au regard notamment des activités nouvelles de constitution de bases et de banques de données informatiques sur l’actualité.En dépit de quelques éléments d’un contrôle administratif préalable, plus caractéristique des systèmes autoritaires d’information, et de certaines dispositions qui sont l’expression de la prise en considération du droit du public à l’information, le droit de la presse, en France, relève globalement des systèmes libéraux d’information. Le régime français est un régime de liberté de la presse.
Encyclopédie Universelle. 2012.